dimanche 8 décembre 2013

Regarder l’anxiété comme quelque chose d’extérieur à soi.


Au sujet du traitement de la peur, une personne m’a dit que dans le bouddhisme, on peut utiliser la respiration pour sortir de son identification à la peur.  Ainsi d’après elle, faire l’effort de respirer avec l’abdomen dans des moments d’angoisse, ou de peur serait une démarche courante notamment dans le zen. Et il m’a été précisé que nombre de pratiquants témoignent des bienfaits de cette technique en matière de détente corporelle et d’apaisement de l’esprit.

Puis, il m’a été alors été demandé ce que je pensais de cette méthode. Or comme je  trouve cette question particulièrement intéressante, je souhaite reproduire ici ce que j’en pense.

En fait, tout dépend de ce que l'on fait. En utilisant une technique de concentration de l’esprit sur la respiration, je pense qu’il y a apaisement sur l’instant mais comme il n’y a pas de traitement cognitif ou émotionnel de la  peur, on en reste à une relaxation sur le moment. Pour moi, c’est une astuce, un truc : on pense à autre chose. C’est « juste » un détournement de l’attention. Mais il est vrai que ça marche car on focalise son attention sur autre chose. Cependant comme le problème n'est pas traité mais détourné, la peur fatalement réapparaîtra. Pour ma part, ce qui me semble plus pertinent, c’est lorsque la représentation mentale qui accompagnait la peur n’est plus associée à la peur alors qu’elle demeure présente à l’esprit. Là,  je pense à des traitements émotionnels comme dans  l’EMDR, par exemple, où l'on est avec l’image qui créer la peur mais en même temps, on porte son attention sur le mouvement de la main du thérapeute ce qui baisse l’intensité de la charge émotionnelle qui accompagne l’image. La peur se dilue car il n’y a plus focalisation mais extension de la conscience sur d’autres choses et non pas détournement de l’image traumatisante. Autrement dit, j’ai peur donc je ressens la peur, je vois l’image mais j’investis la conscience afin d’entendre aussi les commentaires que je fais sur l’image mais je reste également conscient de mon environnement immédiat. Ce qui aboutit au fait que je ne suis plus fasciné par l’image et totalement pris par la sensation d’angoisse,  je deviens observation détachée de l’ensemble du phénomène. 

 Puisque la question faisait référence au zen,  à mon sens, c’est dans le livre « Vivre zen » de Joko Beck qu’un des élèves de cette enseignante explique le mieux cela. Et bien qu’il  parle de la colère,  je pense que c’est valable pour toutes les émotions.

 Je le cite:

 « hier soir, en me rendant quelque part, j’avais l’esprit bourré de pensées et de sentiments. J’ai cru que je pratiquais parce que je savais que j’étais en colère, que j’étais tendu, que j’étais pressé, et je me rendais compte que j’étais de plus en plus furieux et contrarié. Et puis je me suis demandé tout d’un coup : « mais qu’est-ce que c’est que « pratiquer » là, maintenant, tout de suite ?  »  Ça a été comme si des milliers de flashes éclairait ce qui se passait dans ma tête : les mêmes éléments étaient  bien toujours là –  la colère, la hâte, la tension physique – mais ils m’apparaissaient sous un jour totalement impersonnel : tout cela n’avait pas de rapport avec moi. C’était presque comme si je regardais un cafard sur le sol de la cuisine. »